Alan HOLLINGHURST – La ligne de beauté

Titre original : The line of beauty (2004)

Pour résumer : (4ème de couv’) Nick Guest, fils d’un petit antiquaire de province et brillant boursier d’Oxford, s’installe à Londres pour mener à bien sa thèse de littérature. Il loue une chambre dans l’hôtel particulier des parents de son ami Toby Fedden, et entre dans l’intimité de la famille : Gerald, le père, un ambitieux député tory, Rachel, la mère, sœur d’un baron fortuné, et Catherine, leur fille maniaco-dépressive. Nick devient le spectateur fasciné d’une société où les héritiers des grandes familles, les ladies désœuvrées et les conservateurs règnent en maîtres.

Comment il est arrivé entre mes mains: lu en partenariat avec BOB et le Livre de Poche. Choisi pour la quatrième de couv’ et la mention du Man Booker Prize.

Impressions de lecture: J’ai été partagée entre l’académisme de la narration (structure linéaire, descriptions lentes et style parfois ampoulé) et mon intérêt pour le roman d’initiation. Le personnage principal, Nick, est un témoin privilégié de l’hypocrisie, des rites, de l’élite londonienne. Cet aspect sociologique est intéressant. De même l’évocation de son homosexualité, ses joies et ses peurs, viennent pondérer l’académisme par des parenthèses modernes, vivantes.

Mais pas suffisamment : l’ambiance mondaine, le cadre, les dialogues (bien écrits et jouant sur les non-dits) m’ont malheureusement parus très datés. Le roman ne fait aucun effort pour aller vers le lecteur ; cette exigence oblige le lecteur à s’élever, à se creuser la tête, et j’aime cette ambition de principe, mais jusqu’à un certain point. J’attendais beaucoup du fonds, mais la forme m’a fait décrocher au bout d’un tiers du pavé. On sent un fort héritage littéraire anglais, Henry James en particulier, et j’ai trouvé cette lenteur inadaptée au monde contemporain. Dommage.

Merci néanmoins à BOB et au Livre de Poche pour ce partenariat!

Ce roman a obtenu le Man Booker Prize en 2004.

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Richard FLANAGAN – La fureur et l’ennui

Belfond (2008) – 344 pp. / Existe en poche chez 10-18 (Avril 2010)

Titre original : The Unknown Terrorist (2006)

Pour résumer: La Poupée vit dans la fureur de Sydney : les clubs de strip tease où elle est pole dancer, la techno entêtante, l’argent facile, les marques de luxe, les taxis qui s’arrêtent là où elle passe. Mais ce n’est pas la vie à laquelle elle aspire, elle économise billet par billet pour s’acheter un appartement, reprendre des études à la fac, avoir une existence respectable digne du Lucky Country (pays chanceux, surnom de l’Australie). Un soir de carnaval, elle rencontre Tariq, passe la nuit avec lui, et sa vie bascule. Les écrans de la ville, du pays, du monde, sont braqués sur elle, la terroriste inconnue en cavale.

Comment il est parvenu entre mes mains: emprunté à la bibliothèque suite à une recommandation d’une ancienne collègue férue de culture australienne et une amie l’avait également lu. J’avais envie de découvrir cet auteur depuis un certain temps.

Impressions de lecture: je l’ai lu assez rapidement, ce qui est plutôt bon signe, mais l’ai trouvé inégal. Le titre français ne rend pas du tout justice au sujet du roman, cette descente aux enfers du personnage principal, attention aux attentes de lecture faussées (pourquoi certains traducteurs se croient obligés de changer le titre!).

Le suspense. La cavale de la Poupée dans Sydney est haletante, on la suit, on sent sa panique, sa course folle et le temps qui est compté. La construction en crescendo est réussie.

♦ Ce fonds de terrorisme post 2001, d’islamophobie, de paranoïa généralisée et ces réflexions sur la corruption des médias, la désinformation et récupération politique, c’est parfois étouffant et ça m’a gênée. Qu’en pense réellement l’auteur? Théorie du complot, démagogie, fiction?

♦ Roman inégal du point de vue du style: et vas-y que je te balance des noms de marque, et des passages de pathos ultra mauvais… mais cet auteur a retenu mon attention néanmoins, deux de ses romans me tentent et me font saliver d’avance, je retenterai.  

Je le recommande: aux amateurs de suspense et de romans noirs, le suspense est maintenu. Egalement pour les curieux d’Australie qui veulent du changement, ici pas de plages ni de surfeurs, cette île géante n’est pas épargnée des peurs occidentales. A intercaler entre deux lectures plus légères car roman parfois cru et plombant.

Tom ROBBINS – Une bien étrange attraction

Gallmeister (Juin 2010) – 392 pp.

Titre original : Another roadside attraction (1971)

Pour résumer : Années 60, USA. Amanda, jeune femme plaisante à regarder et facilement sujette à des transes de voyance, épouse le magicien et ex-musicien John Paul Ziller. Décidés à vivre comme bon ils leur semble, ils retapent un resto de route et le transforment en zoo et en stand de hot-dogs artisanaux, dans l’espoir qu’ils deviennent les meilleures du pays, voire du monde. Un baboin, un échappé de prison, un ancien joueur de football/dealer, un indien, leurs rencontres sont aussi barjos qu’eux.

Comment il est parvenu entre mes mains: lu dans le cadre de l’opération Masse Critique organisée par Babelio, et les Editions Gallmeister (si vous aimez la littérature américaine et que vous ne connaissez pas encore Gallmeister, courrez explorer leur catalogue!). Choisi car je connaissais déjà le bonhomme, découvert cette année avec la réedition de Même les cow-girls ont du vague à l’âme, qui est l’un de mes coups de coeur 2010.

Impressions de lecture : j’ai aimé retrouver le style débordant de métaphores brillantes et détonnantes. Sa capacité à peindre son personnage féminin avec admiration, sensualité et n’ayons pas peur des mots : virtuosité. Que ce soit Sissy dans Même les cow-girls ont du vague à l’âme, et ici Amanda, elles sont excentriques, attachantes, extravagantes, des héroïnes barjos, fantasques.  Une des grandes réussites de la recette Tom Robbins.

(ça ne l’emporte pas sur le positif), mais…  :

♦ Certaines longueurs peuvent faire perdre pied, et nuisent au brio du style. Attention à la lassitude provoquée par des digressions qui n’apportent rien au récit.

Je le recommande: aux lecteurs convaincus de Tom Robbins. Je conseille plutôt Même les cow-girls ont du vague à l’âme pour le découvrir. Sans modération pour les amateurs de styles déjantés, d’univers déglingos sixties.

Pour donner un avant-goût: une petite vidéo de l’éditeur, représentative de son univers : ici.

Merci à Babelio et Gallmeister pour ce partenariat!

Tania JAMES – L’atlas des inconnus

Stock, coll. La Cosmopolite (Août 2010) – 494 pp.

Titre original : Atlas of Unknowns (2009)

Pour résumer : Années 1990, Inde. Deux soeurs grandissent avec leur père et leur grand-mère. Linno, l’aînée, présente des qualités artistiques : ses dessins forcent l’admiration; la cadette, Anju, débute brillamment sa scolarité. Après l’accident qui a rendu leur famille bancale et emporté leur mère, une deuxième perte va bouleverser leurs vies. Linno se brûle la main lors d’un feu d’artifice, on doit la lui couper. Elle arrête l’école, dessine à temps plein. Anju entend parler d’un programme d’échange pour étudier 1 an aux USA, rêve d’une vie meilleure, ailleurs. Elle n’a aucun talent particulier, et pour partir, va trahir sa soeur.

Comment il est arrivé entre mes mains : lu dans le cadre d’un partenariat spécial Festival America de Vincennes organisé avec BOB et les Editions Stock. Après deux partenariats plus que râtés et mal choisis de ma part, celui-ci m’a tapé dans l’oeil et mon instinct s’est réveillé : c’est une belle découverte!

Impressions: première lecture de cette rentrée littéraire, ça commence fort.

J’ai globalement aimé. Les thèmes m’ont intéressée : le décalage culturel entre l’Occident et l’Orient, la barrière de la langue, la rencontre de classes sociales, la quête d’indépendance (ses joies, illusions & échecs), le rêve américain, la filiation féminine (mère, soeur), l’amitié féminine. J’étais en Inde, puis à New York, je sentais l’odeur des plats et voyais l’intensité des couleurs des saris. Belle puissance d’évocation.

L’écriture est accessible, fluide et montre un effort littéraire. Beaucoup de pudeur et d’espièglerie.

♦ La fin m’a un tantinent déçue, trop convenue. Et à force de jouer sur les non-dits, à force de rester dans le flou sur certaines questions, le lecteur peut perdre pied. Le titre, par exemple, n’est pas évoqué ni expliqué, dommage.

Je le recommande: si vous recherchez une lecture dans laquelle on fond comme dans un bain. Une lecture prenante, avec laquelle on prend plaisir à retrouver, le soir avant de s’endormir, le matin avant d’attaquer la journée et un petit moment volé dans le bus. 

Un autre avis, celui d’Emily.

Un grand merci à BOB et aux Editions Stock, La Cosmopolite ne vole pas sa réputation…

Anne RICE – Angel Time

Arrow Books (poche : Juillet 2010, première édition : Octobre 2009) – 288 pp.

Traduction française : L’heure de l’ange – Michel Lafon (Février 2010)

Pour résumer : Un tueur à gages commence sa nouvelle mission sans grand enthousiasme : il doit tuer un riche banquier, il prend son temps et visite son église favorite, se penche sur son passé. La culpabilité de tuer, ses pêchés, etc.

Est-ce que ça vaut vraiment la peine de continuer?

Un point nécessaire sur l’auteur: il s’agit dun 27ème roman d’Anne Rice, auteur que j’ai découvert au collège il y a une dizaine années et avec laquelle j’ai passé de beaux moments de lecture. J’ai collectionné ses livres, des éditions rares, j’ai commencé à lire en anglais avec ses livres, enfin bref c’est une grande histoire. Pour moi c’était l’auteur de l’excès, de la démesure; du fantastique vampirique aux castrats italiens du 18ème à la réecriture érotique d’un conte de fée, elle a entamé un virage stylistique et un renforcement thématique autour du christianisme. Très marquée par le thème de l’immortalité, qui lui a valu son heure de gloire avec ses Chroniques des vampires, elle débute avec Angel Time (VF: L’heure de l’ange) une nouvelle série.

Comment il est parvenu entre mes mains: je l’ai boudé à sa sortie il y a un an, ça ne me disait rien, j’avais peur de la grosse bouse.

Impressions de lecture : ♦ un lecteur nouveau peut éventuellement apprécier. Mais on ne me la fait pas à moi. Le protagoniste est l’ombre, la version squelettique, anorexique délavée, de Lestat (charismatique héros des Chroniques des Vampires). Blond, yeux gris, voulant être prêtre dans son enfance, attiré par le spectacle (la musique, le théâtre, etc.) et la sainteté des églises… puis ils deviennent des tueurs, et finalement vient la rédemption, la lumière après les ténèbres. Si elle pensait que ses lecteurs les plus fidèles et ayant une mémoire qui fonctionne ne fassent pas le parallèle, c’est raté.

♦ Le style? Pour être honnête, je ne l’ai jamais vraiment trouvée très douée pour peindre l’univers contemporain, ça sonne généralement faux, sauf quelques passages des Chroniques. Elle m’a fait vibrer sur du 19ème, du 18ème, même plus loin dans le temps, mais alors là… c’est sec, cette espèce de Mafia ridicule, les flingues et tout, AU SECOURS! J’aimais son écriture généreuse, baroque, charnue et sensuelle, du genre « crème fraîche 30% de matière grasse » onctueuse et riche. Là c’est de l’allégée liquide qui m’a parue trop fade pour aller au delà de la moitié du bouquin.

Des clichés et des phrases d’une pauvreté indigne d’elle. Je n’ai senti aucun effort d’imagination, c’est du réchauffé de précédents livres, le goût en moins. Aucune passion ne s’est dégagé de cet écrit. Comme si elle faisait « son job », qu’elle appliquait une recette commerciale sans ajouter sa patte. Ce roman été marketé comme « thriller chrétien ». Je ne sais pas ce que cela signifie au juste, mais je dirais que c’est du vite fait vite imprimé vite emballé.

→ Je suis d’autant plus critique et dure que je ne connais son oeuvre et sa carrière sur le bout des doigts.

Je le recommande: si vous voulez découvrir Anne Rice, je vous en prie, faites-vous (et faites-moi!) plaisir : tout sauf ça. Entretien avec un vampire, quelques autres titres des Chroniques valent vraiment le coup aussi comme Le vampire Armand, La voix des anges, ou encore la Saga des sorcières (trilogie). Si vous l’avez déjà lue et apprécié, c’est à vos risques et périls.

Francis Scott FITZGERALD – L’étrange histoire de Benjamin Button

Folio 2 € – Extrait du recueil Les enfants du jazz (Tales of the Jazz Age)  

Titre original : « The Curious Case of Benjamin Button » (1922)

Pour résumer : 1860, USA. Mr Button mène une existence paisible et prospère dans le commerce de la quincaillerie. Sa femme va bientôt donner naissance à leur premier enfant. Fait rarissime pour l’époque, ils ont choisi de le faire naître à l’hôpital. L’heureux papa vient alors découvrir son enfant, et rencontre un personnel médusé, horrifié, scandalisé! L’enfant est un vieillard barbu. Et comme si cela ne suffisait pas, il fait tout à l’envers : alors que son entourage viellit, il rajeunit.

Pourquoi cette lecture?: je piétine sur une lecture et je voulais quelque chose de court pour avoir la satisfaction de finir quelque chose. J’avais lu The Great Gatsby (VF : Gatsby le magnifique) au lycée, je n’avais pas été terriblement conquise et je voulais réessayer Fitzgerald avant de voir le film inspiré par cette nouvelle.

Impressions: j’ai bien aimé mais sans plus.

♦ Je suis restée sur ma faim: le thème était intéressant, mais la forme de la nouvelle a sabré une réflexion sur l’âge, la différence, l’excentrencité qui m’aurait plu dans un roman. On sent un conte philosophique sur le thème du temps qui passe, une satire de la bourgeoisie, mais il m’a manqué des développements pour vraiment me laisser porter par ce texte.

A lire si: vous voulez un petit texte pour vous reposer d’une lecture pénible, entre deux pavés, ou pour vous divertir lors d’un trajet en transport en commun.

GIBSON & STERLING – La machine à différences

Robert Laffont, collection Ailleurs & Demain (Mai 2010)

Titre original : The Difference Engine (1990)

Pour résumer : (Quatrième de couv’)

Imaginez des ordinateurs en plein XIXe siècle, des ordinateurs composés de roues dentées, de bielles et de leviers, mus par la vapeur. Des Machines à différences, imaginées par Charles Babbage, aidé de Lady Ada Byron, la fille de Lord Byron lui-même, oui, le Premier ministre de Sa Majesté la reine Victoria. En 1855, l’Histoire a pris un autre cours. Les industries se développent avec frénésie. Des transports sous-terrestres sillonnent Londres en proie à la pollution, aux courses automobiles et au chômage technologique. L’Empire britannique, gouverné par les scientifiques et les industrialistes, est plus soucieux de technologie que d’aventures outre-mer. Edward « Leviathan » Mallory, explorateur des terres sauvages d’une Amérique du Nord divisée par les guerres, se voit remettre par Lady Ada un mystérieux paquet de cartes mécanographiques. Dès lors sa vie est en danger. Avec l’aide inattendue de Sybil Gerard, femme déchue, fille d’un célèbre agitateur mort sur l’échafaud, qui poussait à la destruction des Machines, et de Laurence Oliphant, diplomate ou plutôt espion de la reine, il va commencer à comprendre quel est le sens de ces cartes. Un enjeu planétaire, le contrôle de l’information…

Comment il est arrivé entre mes mains : lu dans le cadre d’un partenariat avec  et les éditions Robert Laffont. Choisi pour la période (19ème, que j’adore) et aussi pour découvrir un genre que je ne connais pas du tout: la SF. Je les remercie et m’excuse par avance de ce qui va suivre…

Impressions de lecture : j’ai très mal choisi ce partenariat et je m’en suis malheureusement apperçu dès les premières lignes. Ce roman n’est pas du tout ce que j’ai l’habitude de lire, je voulais justement m’ouvrir à d’autres genres mais c’est un échec cuisant. Je me suis forcée, laborieusement, à lire les 60 premières pages et je n’en pouvais plus. Je ne comprenais rien… rien de rien. Les termes techniques me passaient au-dessus du crâne, j’ai trouvé les personnages plats, l’écriture sans consistance, enfin bref il m’est tombé des mains.

« Pour elle, c’était de l’hebreu. » p.41

Et bien pour moi aussi!

→ Mais je pense tout à fait qu’il puisse avoir son public (en faisant des recherches les auteurs sont renommés et primés) et c’est pourquoi je propose de l’envoyer à qui voudra et l’appréciera plus que moi, blogueur de préférence. Voir la rubrique contact de mon blog pour m’envoyer un email, ou répondre par commentaire.

Je remercie et m’excuse auprès de l’éditeur Robert Laffont et l’équipe de la collection Ailleurs & Demain, j’ai horreur de ne pas achever la lecture d’un ouvrage reçu en partenariat.

Published in: on 22 août 2010 at 9 h 40 min  Comments (14)  
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Wesley STACE – Misfortune

Jonathan Cape/Random House (2005) – 531 pp.

Traduction française : L’infortunée –  J’ai lu (2007) – 605 pp.

Pour résumer : Rose est la fille, que dis-je, la prunelle des yeux du Lord Loveall. Elle grandit protégée du monde, innocente, dans une riche demeure familiale, dans l’Angleterre du début 19ème. Ses journées ne sont faites que de jeux, de rires, de moments privilégiés passés avec deux amis et ses parents dévoués. Plusieurs signes lui font croire qu’elle est différente, qu’il existe un secret qui la concerne. Son corps se transforme. Elle n’a pas la grâce de son amie Sarah et doit se raser comme son ami Stephen. Avec candeur puis violence, elle découvre la vérité.

Comment je l’ai eu entre les mains : acheté à sa sortie en poche pour sa couverture, il n’avait plus bougé de ma PAL pour une raison que j’ignore. En relisant le résumé, je me suis rappelée à quel point c’était une lecture évidente: la période, le lieu, le thème du genre et de l’androgynie qui me passionne, ça sentait le « WOW » dans toute sa splendeur. J’ai illico commandé l’édition anglaise. Sur la 4ème de couv’, on compare l’auteur à Sarah Waters. Oh dear!   

Impressions de lecture : roman très ambitieux ET qui a les moyens de sa politique. C’est très documenté, riche en références littéraires & culturelles sur l’androgynie, le thème du genre, Platon, Ovide aux gender studies contemporaines. Soufflée! C’est du WOW haut du panier. J’aurais pu utiliser le mot de chef d’oeuvre si la fin n’avait pas été aussi mauvaise, ultra décevante et tarte à la crème.

Le personnage principal, Rose, est décrit avec virtuosité. C’est le compte-rendu d’un parcours initiatique, de petite fille innocente et heureuse, d’un jeune homme à la puberté difficile, puis d’un être adulte : homme/femme/ni l’un ni l’autre/les deux? Ce roman est aussi (à mes yeux) une ôde aux êtres marginaux, extra-ordinaires, les outsiders. C’est un texte qui appelle à l’ouverture d’esprit, à la transcendance des rôles imposés pour chaque genre. Si quelqu’un veut porter une moustache ET une robe: où est le problème?

Ca m’a fait penser à: J’ai retrouvé le style malicieux, maîtrisé et musical de Michel Faber (The Crimson Petal and the White/VF : La rose pourpre et le lys) et l’univers de Sarah Waters (Fingersmith/VF : Du bout des doigts), bref tout ce que j’aime!

Je le recommande: chaudement! En particulier aux amateurs/trices de fictions littéraires historiques de qualité, si vous aimez les fresques dix-neuvième, les personnages extravagants, allez-y. Objectivement, je pense que ce roman peut plaire intensément, mais à un public assez restreint et littéraire.  

→ J’ai pu comparer la traduction française, et si vous avez le cran de vous attaquer à 500+ pages en anglais, please do! Rien ne vaut le texte originel: le côté piquant, ironique, musical, passe beaucoup moins en français.

Wilkie COLLINS – Iolani ou Les maléfices de Tahiti

Editions du Masque, collection Labyrinthes – 234 pp. (2009)

Titre original : Iolani or Tahiti, as it was. A romance. (1999)

Pour résumer en deux phrases: Le grand prête Iolani veut que le sang coule, il veut un sacrifice : celui de son propre fils, né d’Idia, une femme de basse extraction. Elle refuse cette coutume et s’enfuit.

Comment je l’ai eu entre les mains : lu dans le cadre d’un partenariat avec BOB. Choisi pour son cadre: la Polynésie, Tahiti, le Pacifique, et aussi pour l’histoire de ce manuscrit. Il s’agit du premier roman de Wilkie Collins, non publié de son vivant. Après de longues aventures dans des salles de ventes pendant un siècle, il a été redécouvert par un libraire en 1991 et publié en 1999 en langue originale.

Impressions de lecture: je me suis ennuyée ferme. Le style est maladroit au possible, je me suis forcée à lire péniblement jusqu’à la 100ème page et je l’ai refermé. Je n’en pouvais simplement plus. Entre la lenteur des évènements, des propos colonialistes/racistes, la platitude et la confusion de « l’intrigue » et des personnages, rien ne m’a motivée à continuer.

Je voulais de l’évasion, une plongée dans le Pacifique, et je n’ai attéri que dans les bras de Morphée. Peut mieux faire dans le genre du dépaysement!

Je le recommande: peut-être aux inconditionnels de Wilkie Collins et aux universitaires qui étudient sa bibliographie intégrale. Je ne vois pas à qui d’autre.  

Merci à BOB et aux Editions du Masque pour ce partenariat « coloré »!

Julia STRACHEY – Cheerful weather for the wedding

Persephone Books n° 38 – 119 pp.

Première publication : The Hogarth Press (maison d’édition tenue par Virginia Woolf et son mari) en 1932

Traduction française : Drôle de temps pour un mariage

Pour résumer : Mrs Thatcham est sur le point de marier sa fille ainée, Dolly, qui s’est fiancée un mois seulement auparavant. Le matin du mariage, il fait un temps idéal pour un mariage, ce qui pourrait être un bon présage… Les servantes s’affairent, les invités arrivent, la famille s’impatiente. Dolly se prépare, range quelques affaires, s’isole avant de débuter sa nouvelle vie : son futur mari et elle doivent partir le jour même pour l’Amérique du Sud. La cérémonie est imminente, mais elle est toujours dans sa chambre…

Pourquoi ce livre? : parce que Julia Strachey était une amie de Virginia Woolf, que cette novella a été initiallement publiée par le couple Woolf, ce qui en dit beaucoup sur le potentiel littéraire du livre en question. Petite pause hétéroclite dans la trilogie Millénium parce que lire en anglais me manquait.

Impressions de lecture : l’intérêt de ce très court roman est le point de vue narratif décalé sur cette journée de mariage. Le titre original peut donner une impression positive, genre : « oh mais quelle belle journée pour un mariage parfait ils seront heureux jusqu’à la fin des temps et auront plein d’enfants » mais ce n’est pas du tout la façon dont les évènements vont se dérouler. (Le paragraphe suivant peut largement gâcher le plaisir de la découverte… je vous aurais prévenus).

La mariée est souvent absente, le mari à peine mentionné, inexistant et transparent, la cérémonie est passée sous silence. Les invités et autres satellites autour du mariage sont omniprésents, le mariage est ici représenté comme une cérémonie et un rituel social. Nulle question de sentimentalité, de récit contemplatif amoureux, ce n’est pas du tout le propos du roman. On sent qu’elle n’est pas convaincue, mais elle plonge quand même. Au lieu du jour le plus heureux d’une vie, on dirait que c’est le jour le plus triste, râté, le summum du gâchis.

Je le recommande: aux amateurs/trices de littérature anglaise du début vingtième, aux lecteurs/trices de Virginia Woolf qui voudraient découvrir son entourage littéraire et son travail d’éditrice. Si vous aimez les ambiances so british, les satires sociales amenées avec subtilité.